La face cachée du nucléaire civil révélée en Ukraine

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La guerre en Ukraine fait « surgir le réel ». Elle met à mal le récit qui nous était imposé dans les réflexions en cours sur l’énergie.

Le message transmis est que l’industrie nucléaire n’est pas dangereuse, c’est une « énergie verte », indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique. Le danger de la radioactivité est minimisé voire occulté.

Ainsi, la réalité surgit avec le chantage qu’a fait la Russie lors de son offensive sur Kiev, la prise par ses troupes du site de Tchernobyl et l’attaque de la centrale nucléaire de Zaporojia, qui a été bombardée début mars 20221,2,3. Pour maintenir la sécurité des réacteurs nucléaires et empêcher la réaction en chaîne du combustible4, il faut de l’électricité en permanence. Des groupes électrogènes alimentés par des cuves de fioul peuvent prendre le relais pendant un temps court. Dès que les générateurs de secours seraient vides, le contrôle des réacteurs ne serait plus possible et l’emballement de la centrale probable. Les Russes ont utilisé la possibilité de couper l’alimentation en électricité pour effectuer un chantage et une pression sur les pays européens.

Heureusement pour nous, ils n’ont pas mis à exécution jusqu’au bout cet acte de folie ! Conséquence : nous regardons autrement les centrales nucléaires. Contrairement à une bombe nucléaire qui vitrifie tout à son impact, l’explosion d’un réacteur nucléaire suite à son emballement va diffuser de la radioactivité tout autour d’elle et par les vents dans l’atmosphère. Elle est déjà sur place, il n’est pas nécessaire d’utiliser un avion ou un missile pour l’atteindre. Il suffit de couper l’électricité autour du dispositif et donc de pouvoir utiliser les effets atténués d’une arme nucléaire dans un pays, sans déclencher la réplique dite de dissuasion des armes atomiques des autres belligérants.

Les installations nucléaires sont donc des cibles potentielles en cas de conflit. Elles risquent d’irradier et de rendre inhabitables des régions entières.

Toute la dangerosité des centrales nucléaires est ainsi mise en lumière par le conflit russo-ukrainien.

Depuis quelque temps, la production d’électricité par ce moyen nous est présentée, par EDF, le lobby nucléaire, le gouvernement français, certaines figures politiques et certaines personnes comme Jean­ Marc Jancovici5 dites expertes, comme une réponse plausible pour diminuer les rejets de CO2 dans l’atmosphère. A ce titre, elle est donc indispensable pour permettre de réduire la perturbation climatique en cours.

Cet argument est présenté par ces acteurs comme raison valable pour justifier cette industrie, la maintenir et la renforcer en occultant ce qui va avec : la pollution radioactive, qui est un risque sans commune mesure avec les gains envisagés. N’oublions pas les principales en cours : Tchernobyl le 25 avril 1986 (lire le livre La Supplication), Fukushima­ Daiisi le 11 mars 2011 – les eaux radioactives sont déversées dans l’océan Pacifique. Ces gains ne peuvent être que provisoires pour nos sociétés. L’uranium n’est pas éternel, mais la radioactivité à notre échelle oui, en ce sens qu’elle est définitive, car présente pour des milliers d’années et qu’au niveau de notre espèce, elle nous accom­pagnera jusqu’à sa disparition.

Stockage des déchets

Il faut stocker les déchets dits ultimes des centrales, les refroidir et les confiner pendant tout ce temps. Aujourd’hui, ils sont stockés sur les lieux des centrales et à la Hague, usine d’extraction du plutonium construite à l’origine pour la réalisation de la bombe atomique française puis reconvertie pour le retraitement des déchets des centrales civiles. Les sociétés exploitantes ont arrêté de déverser des déchets dangereux dans la mer, comme cela a été fait près de la Hague et l’idée maintenant est de les enfouir dans le sol en Meuse (projet Cigéo), alors que nous ne pouvons vraisemblablement pas garantir que nous serons en capacité de surveiller et d’empêcher la dispersion de la radioactivité des déchets sur les séquences de temps nécessaires6.

La France est le second pays le plus nucléarisé du monde

Notre pays dispose de 56 réacteurs, les États-­Unis de 99 installations. L’Ukraine est au 9e rang avec 15 machines sur les 453 en production dans le monde7.

Autre talon d’Achille des centrales : le refroidissement nécessaire à l’aide de l’eau des fleuves et des rivières. Trouverons­-nous assez d’eau dans nos cours d’eau pour refroidir les réacteurs et les faire fonctionner dans les années à venir malgré sa raréfaction qu’annoncent les scienti­fiques du climat ?

La montée des eaux de la mer fait courir d’autres risques. Nous avons déjà connu cela : dans le Blayais, le 27 décembre 1999, les vents violents produits par la tempête Martin provoquèrent une brusque montée des eaux de l’estuaire de la Gironde et l’inondation d’une partie de la centrale, la digue étant submergée en partie8.

Une catastrophe en vue ?

Il n’est en rien souhaitable, mais malheureusement probable, qu’une catastrophe majeure arrive dans notre pays et aucune région n’est à l’abri, pas même la Dordogne qui n’a pas d’installation sur son territoire, mais qui est située sous les vents dominants de la centrale du Blayais, à Braud-­et-­Saint-­Louis, en Gironde. Ribérac est quasiment à la même latitude. Le site de Golfech, au sud, n’est pas exposé aux vents dominants, mais la météo peut­-elle être maîtrisée ? D’autres endroits de pollution sont proches : les anciennes mines d’uranium du Limousin et de la Corrèze, qui ne sont pas très éloignées à l’est (mine d’uranium du Dognon à Sainte­-Marie-­de­-Vaux 87420, à une trentaine de km à l’ouest de Limoges).

Devons-nous poursuivre cette fuite en avant ?

Tout cela nous était caché pour faire passer l’idée d’un nucléaire « vert ».

Les diplomates français viennent d’obtenir auprès de l’Europe que cette énergie figure parmi les solutions vertes alternatives au pétrole, au gaz et au charbon. Mais la guerre vient de s’abattre sur l’Ukraine.

L’information est mise à mal.

Notre pays devrait installer vingt réacteurs nucléaires de nouvelle génération pour maintenir sa production électrique, dixit le projet d’Emmanuel Macron, qui a décidé de ceci sans débat avec les citoyens et les élus du peuple.

Bien des similitudes existent entre la gestion de la « crise sanitaire » qui était en faible bruit médiatique pendant cette période d’élections et notre sujet.

Que ce soit la propagande « seul le vaccin est efficace » pour le Covid ou « le nucléaire n’émet pas de CO2 » pour la lutte contre le réchauffement climatique, les méthodes sont les mêmes. Imposer une solution technologique sans débat contradictoire et choix des citoyens, lancer des anathèmes sur les voix discordantes. La désinformation est de rigueur. Les boucs-­émissaires ne sont plus les « anti­-vaccin » mais les « anti­-nucléaire ».

Restons zen, la folie humaine n’est pas certaine. D’autres solutions existent comme le scénario présenté par l’association Négawatt9. Prenons le temps de nous informer ! Bien­ sûr, il faudra accepter de changer notre mode de consommation, de gaspillage de l’énergie et d’usage des matières premières.

Ourdrassoul

Pour aller plus loin

Sources :

  1. https://www.midilibre.fr/2022/03/05/ukraine-lassaut-russe-de-la-centrale-nucleaire-de-zaporojia-filme-de-linterieur-vous-mettez-le-monde-en-danger-10150839.php
  2. https://www.francebleu.fr/infos/international/attaque-russe-sur-une-centrale-nucleaire-ukrainienne-une-folie-pour-la-criirad-1646382029
  3. https://balises.criirad.org/pdf/Guerre_Ukraine_2022/2022-03-04_Communique_CRIIRAD_Zaporijjia.pdf
  4. https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/La_surete_Nucleaire/risque_criticite/criticite_usines_labos/Pages/1-risque-criticite.aspx?dId=b38b1f47-205e-4650-8e7e-fb5369f334f6&dwId=edeb4a66-edac-40b0-9485-3da351cc78fc
  5. https://jancovici.com/
  6. https://www.rtbf.be/article/dechets-nucleaires-une-etude-emet-des-doutes-sur-le-conditionnement-10418089
  7. https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_r%C3%A9acteurs_nucl%C3%A9aires#%C3%89tats-Unis
  8. https://www.irsn.fr/FR/expertise/rapports_expertise/Documents/surete/rapport_sur_l_inondation_du_site_du_blayais.pdf
  9. https://negawatt.org/IMG/pdf/synthese-scenario-negawatt-2022.pdf


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